Mon expédition me conduit dans le nord de la Thaïlande, Birmanie, puis au Laos, en franchissant le Mékong, ce fleuve majestueux. Après plusieurs voyages en Asie du Sud-Est, il me paraissait essentiel de revenir au cœur de cette région à un moment particulier : celui de la mousson.
Ces pays sont souvent perçus comme des terres de sérénité. Mais que deviennent-ils lorsque le ciel s’ouvre et que l’eau se déverse sans répit ?
La mousson n’est pas une pluie ordinaire. C’est le souffle de la terre et du ciel, un mouvement colossal de masses d’air qui traverse l’Asie sans se soucier des frontières. Elle donne, chaque année, près de 80 % des précipitations. Bienfaitrice, elle irrigue les rizières et nourrit les sols. Dévastatrice, elle peut engloutir des villages entiers. Elle est imprévisible, à l’image de l’avenir : parfois précoce ou tardive, douce ou brutale, rare ou torrentielle.
À son retour, la campagne renaît. Les rizières arides de la saison sèche se couvrent d’une infinité de verts. Les chants des grenouilles et des insectes se mêlent au fracas de la pluie. Les femmes, les hommes et les enfants sortent de l’attente et reprennent le rythme des travaux agraires : repiquage du riz dans la boue, entretien des canaux, réparation des digues de fortune. Leurs gestes, hérités de générations entières, s’accomplissent sous une pluie persistante, dans une atmosphère saturée d’humidité où chaque souffle d’air semble chargé d’eau.
La mousson n’est pas seulement un phénomène météorologique : elle est spirituelle. Les populations prient pour que les pluies soient justes, ni trop faibles ni trop abondantes. Car de la régularité de la mousson dépend la survie des récoltes, et donc des familles. Dans les temples, les moines et les fidèles adressent leurs vœux aux divinités, espérant que l’eau demeure sacrée et non meurtrière.
En ville, la pluie apporte un répit à la chaleur écrasante. Les nuages assombrissent le ciel, la lumière se fait plus douce. Mais l’humidité s’alourdit, collant aux corps, tandis que les ruelles se transforment en torrents. Le Mékong, lui, gonfle inexorablement, ses eaux montant parfois de plus de neuf mètres. Ses crues, redoutées et attendues, permettent pourtant la migration et la reproduction des poissons, nourrissant des millions d’habitants.
Qui arrêtera l’eau ? Certainement pas les frontières.
La mousson est un cycle, une respiration vitale. Elle relie les hommes, les terres et les dieux, rappelant que l’eau, venue du ciel, irrigue autant les champs que l’âme de l’Asie du Sud-Est.
La mousson est un cycle, une respiration vitale. Elle relie les hommes, les terres et les dieux, rappelant que l’eau, venue du ciel, irrigue autant les champs que l’âme de l’Asie du Sud-Est.

























